Aux couleurs d’Ittoqqottormitt

RECIT – Nous nous sommes toisés pendant quelques minutes. Eux nous scrutant depuis les berges de cailloux, nous depuis le bateau arrêté au mouillage. Notre première rencontre avec la communauté inuit a eu lieu dans cette baie d’Ittoqqortormitt, à quelques mètres de distance, frustrée par une nuit interminable.

Un bel iceberg tabulaire en croise un plus petit à l’entrée du Scoresby Sund. (Photo Evrard Wendenbaum / Naturevolution) Un bel iceberg tabulaire en croise un plus petit à l’entrée du Scoresby Sund.
(Photo Evrard Wendenbaum / Naturevolution)

C’est au petit matin que nous avons pu poser un pied sur la terre de ce village le plus isolé de la côte est du Groenland, situé dans la péninsule du Liverpool, au-delà du 70° de latitude Nord. Caché dans la baie de Rosenvinge, entre le Kap Tobin et Kap Hope.

Là, nous attendaient Ruth, une Allemande installée ici depuis dix ans, et son mari, Inkasi. Ce chasseur inuit, également guide, nous accompagnera dans nos aller-retour permanents entre le village et les différents camps de base, établis au Renland, Jameson Land et Mineland. Nous troquerons donc notre fier voilier contre une petite navette aux moteurs bien plus rapides, car les distances sont gigantesques : le Scoresby Sund, avec plus de 300 km de fjords, est le plus grand système de fjords au monde.

Olive. (Photo Yann Bigant / Naturevolution) Olive.
(Photo Yann Bigant / Naturevolution)

Déjà des clochers se font entendre. Nous sommes dimanche et c’est l’heure de l’office. A quelques mètres de l’église protestante, l’école est le plus grand bâtiment de ce village de moins de 400 âmes, où se dressent de petites maisons en bois du Danemark, bleues, rouges, vertes, jaunes, qui colorent ces terres rocailleuses. Les hurlements des chiens de traîneaux accompagnent les rugissements des quads, moyen de transport le plus utilisé dans ce petit village.

Eric, Phil et Olive. (Photo Yann Bigant / Naturevolution) Eric, Phil et Olive.
(Photo Yann Bigant / Naturevolution)

Les doudounes sont vite enlevées : le soleil est éclatant. Notre camp de fortune est installé sur les hauteurs du village, au pied de la station météorologique. Toutes les douze heures, un ballon gonflé d’hydrogène s’envole dans l’atmosphère et communique des données à l’Institut météorologique danois. Les yeux rivés en l’air, nous observons cette bulle d’air s’envoler au-dessus de la mer, sans parler. Mais la contemplation est de courte durée. Il est déjà tard et l’unique magasin du village ferme à 17 heures. On y trouve de tout. Aliments danois, quelques habits, des peaux de phoque et… des fusils, nécessaires en cas d’attaque d’ours polaire, et que nous sommes venus chercher.

A Ittoqqottormitt, il ne reste environ que dix chasseurs. Les revenus qu’ils tirent de leur chasse sont aujourd’hui trop faibles, leur vie est rude. Le reste des habitants s’est tourné vers des petits boulots, travaillent dans l’administration danoise, ou le tourisme, qui peine, malgré tout, à se développer. L’aéroport le plus proche, Constable Point dans le Jameson Land, est à plus de 45 kilomètres du village.

Approche d'Ittoqqortoormiit dans la brume. (Photo Evrard Wendenbaum / Naturevolution) Approche d’Ittoqqortoormiit dans la brume.
(Photo Evrard Wendenbaum / Naturevolution)

La journée file à toute allure, tard dans la soirée, Evrard fait le point sur l’organisation de la journée des jours à venir : une équipe de six personnes partira dans la matinée aux pieds du Skillebugt à bord de la navette d’Ingkasi. Trois autres les rejoindront le lendemain. L’aventure n’en finit pas de commencer.

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